Mosner serait-il un expressionniste et sa peinture le reflet de malaises et de troubles, uniquement ? Certes, la proximité avec les Fauves, les Expressionnistes et même les acteurs de Die Brücke est flagrante. En témoignent le rythme fiévreux, les stridences de la palette, l'érotisme latent et même parfois manifeste. Certes encore, la tension graphique portée à son comble et volontiers déformatrice, l'âpreté de certains situatio ns le rapprochent-elles de Schiele, tout comme le rapproche Soutine le chaos de ses pathétiques intuitions, et de Dix le monde de profiteurs et de filles de joie qu'il met en scène. Plus voisin sans doute, les cavaliers du Blaue Reiter: la symbolique de Marc, la conception de la forme dans l'espace de Macke, les couleurs stridentes de Jawlensky… De même pourrait-on, palette et nostalgie du paradis perdu conjuguées, évoquer l'ombre de Gauguin. Mais à quoi bon ? Si Mosner flirte avec l'Expressionnisme, s'il est proche de la définition qu'en donne Mabuse: "C'est un jeu sans signification, mais il en va de même dans la vie", si sa manière "caricaturale" l'associe, nul doute qu'il est tout à fait étranger à la violence d'un Grosz, au mordant d'un Beckmann, à la désespérance d'un Schmidt-Rottluff. L'humour de Mosner, sa vision du monde et même ses angoisses, gardent une fraîcheur et une ingénuité qui l'en éloignent à tout jamais. Au fil des années, sa peinture s'est notablement simplifiée, légèrement déstructurée. Mosner a noirci mille pages, peint mille toiles, dessiné mille affiches, pressé mille lithoraphies, façonné mille sculptures. Le voici aujourd'hui face aux mille et unièmes et à tout ce qui suivra et s'ensuivra. Buenos Aires est en train de le quitter comme le quitte cette mélancolie sentimentale si argentine. Au-delà du premier mille, au-delà de l'infini, à compter du mille et unième – soit l'infinie plus un – l'attend déjà la douleur tragique de la peinture.
- Gilles de Bure.