Il existe une artiste qui séjourne, au calme, près de la place de la Bastille, toujours vetue de noir, le pinceau entre l'ombre et le ciel.
Patricia Erbelding ne choisit guère la couleur, celle qui envahit les murs d'ici, frénétique, celle qui fouille les yeux trop fort. Dans un espace agencé en forme de carré, je suis allé la rencontrer récemment. Refusant les excès, elle compte ses gestes tel le lissier la laine.
L'artiste passe un long temps devant la toile tendue, sur un châssis de bois, enclouée, rencontre par la suite. A l'inverse des autres, elle ne craint pas le blanc qu'elle utilise sans cesse. Elle l'invite à demeurer au silence avant de déployer toutes ses nuances.
Certes la toile essaie de crier, mais en dedans. Qu'importe si derrière les doigts du peintre la ville grogne, geint, se désespère de n'être souvent que spectacles interchangés, cette artiste peint la multiple blancheur, d'abord celle des astres, du désert, des gazelles qui ont cessé les grands bonds. Puis viennent quelques traces resurgies brûlées de la nuit des temps, ocre et fauve ensemble.
Un être très rapide pourrait penser que les tableaux de Patricia Erbelding refusent de s'offrir. Erreur. Dans le tréfonds, affleure une étendue liquide, tombée pour le pinceau, de l'épaisseur des gouttes de rosée, fébrile quand on se hisse de ce côté. Pareilles au bambou, brun une fois qu'il est mort, l'artiste dans son silence trace ainsi des lignes étroites en guise d'épaule, en guise de genou. Pour le regard attentif cette chair fut intense et, désormais sans l'ombre, son détachement déroute, fascine. La toile lente commence comme face à l'incendie une fôret s'affirme immense...
Quel piège réside ici que le peintre devine ? La nuit est survenue pendant notre entretien, affrontant les toiles blanches de Patricia Erbelding. J'ai quitté l'endroit rare en laissant sur ces murs vibrer une lumière. Il s'y mêle un secret.
Pierre-Marc Levergeois.